Un peu d’histoire

Saint-Maurice: une église nourrie par le sang des martyrs

Un martyr a donné son nom à Saint-Maurice, en Valais. Jalon de pierre posé sur ce site chrétien, l’abbaye et sa basilique en conservent pieusement les reliques. Une visite s’impose. Le voyageur qui s’arrête à Saint-Maurice devra bien choisir son heure s’il compte sur un rayon de soleil pour le réchauffer.

Encaissée entre les falaises, compressées en rues s’étirant tout en longueur, la petite ville n’usurpe certes pas son rôle de verrou du Valais. En déambulant dans l’ombre fraîche de ce goulet, on comprend aisément que la cité d’Agaune ait jadis constitué un passage obligé entre l’Helvétie et l’Empire romain.

C’est, précisément, à la fin du IIIe siècle de notre ère que s’est joué l’un des épisodes majeurs de l’histoire d’Agaune. Pour en dérouler le fil, une visite guidée de l’abbaye de Saint-Maurice s’impose. Sans guide, le visiteur de cet édifice – il date du XVIIe siècle – ne soupçonnerait pas, dissimulée par les bâtiments conventuels, l’existence des premières églises qui se sont succédé au pied de la falaise.

Proies trop faciles des chutes de pierres, elles décidèrent de l’emplacement de leur dernier avatar, la basilique actuelle, inhabituelle ment orientée vers l’Occident. Sur le lieu des vestiges, objets de fouilles archéologiques aujourd’hui mises entre parenthèses, le visiteur foulera les restes de nécropoles romaine et mérovingienne. Ceux d’un temple dédié aux Nymphes, que saint Théodule, évêque transforma en mausolée de saint Maurice en l’an 380, après avoir récupéré les ossements du martyr.

Le voile se lève sur celui qui donna son nom à la ville. A la tête d’une légion venue de Thèbes, composée de soldats chrétiens, Maurice contribua à mater une rébellion en Gaule. Après la victoire, la légion thébaine refusa de sacrifier aux rites païens. Retirés près d’Agaune, Maurice et ses hommes essuyèrent l’ire de l’empereur Maximilien: ordre fut donné de décimer les légionnaires. Qui désire visualiser la décapitation de Maurice et de ses compagnons s’arrêtera devant les vitraux d’Edmond Bille, après avoir franchi le lourd portail de l’église.

Vestiges trop morbides? Il en existe d’autres, pièces d’orfèvrerie religieuse des époques mérovingienne, carolingienne, romane, baroque et gothique, qui constituent le trésor. Fleuron de l’abbaye, exposé dans une salle gardée par une épaisse porte blindée. Sage précaution, même si l’aiguière de Charlemagne, la châsse reliquaire de saint Maurice ou la sainte épine, don de saint Louis, n’ont plus à craindre la convoitise de Napoléon, lui aussi réduit à l’état d’ossements.

Les reliques doivent aux habitants d’alors, qui les protégèrent de l’empereur en les dissimulant dans leurs granges, de sortir aujourd’hui encore en procession, tous les 22 septembre. Jour de la Saint-Maurice.

Dominique Bosshard : http://www.lexpress.ch/loisirs/voyages/balades/saintmaurice.htm