LA TRAGEDIE DE MAINZAC DU 25 JUILLET 1944
Extrait des cahiers de la Chapelle St Robert N°12
» Ce mardi après midi alors que la 2° compagnie est en mission de surveillance sur les hauteurs du Buisson, une autre tragédie va se dérouler à une lieue de là, à Mainzac, en lisière de nos deux départements. Le convoi signalé vers Mareuil, et composé d’allemands, de géorgiens et de miliciens, approche. En tête, en éléments de reconnaissance, quelques motos et side-cars ouvrent la marche à une trentaine de camions dont quelques uns tractent un canon.
Passé Beaussac, le détachement prend la direction de Javerlhac. Sur la route, à hauteur de Connezac, les frères Victor et Piarrou Manem débardent du bois. Le temps de dételer les juments, les deux frères sont rattrapés et sans ménagement confrontés à un gros chêne au bord de la route, mains sur la nuque. Après interrogatoire ils sont relâchés mais les mitrailleuses ont pris à partie les fenêtres du chateau de la famille de Lamberterie. Grosse peur pour les uns, dégâts matériels pour les autres. La colonne repart vers la croix de la Victoire. Et là, brusque changement de cap. Alors que Javerlhac est sur le qui-vive la soldatesque oblique à gauche vers Hautefaye! Notre compatriote Marcel Peytour qui avait 18 ans à l’époque se souvient. Alors qu’il labourait les vignes près du cimetière, son père lui a vivement conseillé de prendre la clef des champs… A Hautefaye, les véhicules s’arrêtent le temps d’interroger les rares habitants qui se risquent dehors. Ce n’était pas le cas pour ce jeune soupirant – réfractaire de surcroît – venu voir sa fiancée et tout heureux de trouver refuge dans une citerne avec de l’eau jusqu’au cou…! A fin juillet mieux vaut ça qu’un « ausweis » pour Berlin! Il est environ 16 H quand la troupe regagne la Charente par Mainzac et 4 heures durant ce paisible village va s’apparenter à Oradour.
Les motards ouvrent la marche. A l’entrée de l’agglomération ils sont accueillis par des rafales de F.M. En gens avertis des choses de la guerre, ils ont vite fait de localiser l’origine des tirs à 200 m. à droite sur la route de Souffrignac, au lieu dit la butte des Besses. On voit encore la mare asséchée ou étaient embusqués les francs-tireurs. Aussitôt, les camions se vident de leurs occupants. Le hameau de « Chevalieras » est d’abord pris pour cible par une mitrailleuse et un canon antichar. Là un mécanicien avait assemblé de vieilles voitures dans une grange qui commence à flamber. Egalement en flammes la maison de Juliette Bourrinet qui sera elle même blessée ainsi que sa fille maria. Elles seront chargées dans les camions et emmenées à Angoulême. La fille décèdera deux mois après des suites de ses blessures. Les sept FTP appartenant à une formation venue de Nontron se rendent compte alors qu’ils viennent de faire une gaffe et qu’il est prudent de disparaître… Ils diront plus tard avoir sous estimé l’importance du convoi qu’ils n’évaluaient qu’à quelques motards en patrouille. Toujours est-il qu’à « Chevaliéras » trois maisons sont en feu tandis que les allemands s’approchent de la Ferrière et allument des incendies à la périphérie du village dans l’intention de tout détruire. Angel Forestier, un grabataire de 40 ans va connaître une fin affreuse dans l’incendie de sa demeure. Les deux maisons de la famille Mousseau et celle de la famille Duclaud brûlent à leur tour. Et alors que commence la séance de pillage systématique, la population est rassemblée genoux à terre, face au mur du cimetière, route de Charras. La sentence tombe : « si un allemand est tué, vous tous fusillés ! » Un réfugié alsacien soupçonné peut-être à tort d’être de la milice- un certain Mr Klein parlemente en faveur de ses voisins. Mais là ne s’arrête pas le déchaînement de la barbarie….Quelques soldats montés au clocher tiraillent dans tous azimuts. La moitié du convoi a dépassé le village en incendiant au passage l’école et la mairie, pour stopper un peu plus loin dans le vallon, sur la route de Marthon. A gauche, sur un coteau, le village de Rémondias ou les ruines d’un ancien château dominent quelques masures. Les soudards d’Hitler font un carnage du bétail et éventrent les barriques à coups de fusil. Un homme du Breuil (village voisin) Guicheron, âgé de 50 ans et oncle des Mousseau, allant récupérer sa femme à Mainzac s’est couché dans un champ pour se protéger… Il ne se relèvera plus.
Sur le coté droit de la route, au pied du versant qui monte vers la Ferrière, Lucette Braud , (10 ans) est venue de Rochefort passée quelques jours de vacances chez ses grands parents Mousseau. Ce matin-là elle garde les vaches. Sur le chemin du retour, ayant appris que les allemands sont dans les parages, ses parents font demi-tour. Aussitôt son père part à son avance et la retrouve dans le vallon alors qu’elle rassemble les bêtes pour rentrer. Mais les allemands sont là qui fouillent chaque mouvement de terrain, chaque buisson et tirent sur le bétail. Il s’est plus question de fuir. Alors le père et l’enfant trouvent refuge derrière un muret de pierres sèches. Blottis l’un contre l’autre ils se font tout petits. Pas assez sans doute puisqu’une balle explosive déchiquette la jambe du père après avoir perforé l’artère fémorale de la fillette. Il fallut attendre le départ des bourreaux pour secourir les deux blessés. Malgré les soins du docteur Andorre, la fillette, exsangue, décédait. Dans ce climat de terreur permanente, Mainzac écrasé par l’épreuve ne put même pas assurer à la pauvre petite des obsèques rituelles…. Seulement une discrète bénédiction au cimetière par le prêtre venu de Marthon. Mais qui douterait qu’au bout de l’enfer de ce 25 Juillet Lucette n’ait pas amplement mérité son ciel ? Leur vengeance assouvie, dans le rougeoiement des brasiers, « les seigneurs de la guerre » pouvaient triomphalement poursuivre vers Marthon et inscrire les quatre innocentes victimes de Mainzac sur la liste déjà trop longue de leurs atrocités. »
Marcel Belly » …en témoin de mon temps, et en tant qu’acteur, j’assume l’entière responsabilité de ce récit. L’histoire ne s’invente pas, ne se falsifie pas et j’accepte toutes suggestions de la part du lecteur ! «